LES  HALLES  A  MENAGER …
Réactions de l'Association Paris des Halles

Ce document rassemble nos réactions au Programme définitif du marché d'études de définition pour l'aménagement du quartier des Halles, déjà exprimées lors des réunions de concertation et des rencontres avec les responsables de la SEM Centre.

1. Remarque préliminaire

Concertation

Nous souhaitons souligner la qualité de la concertation mise en place par la SEM Centre et la transparence des informations reçues depuis le lancement du projet en juillet dernier. Il s'agit d'une innovation en matière de démocratie locale dans notre quartier et même peut-être à Paris si l'on considère l'ampleur du projet.
Nous croyons à la volonté des acteurs en présence de nous informer et de nous écouter mais nous voulons également être entendus, avoir des réponses à nos questions et enfin voir nos recommandations intégrées au projet définitif.


2. Nos inquiétudes : des déséquilibres irréversibles au bénéfice du tout commerce

Le document qui nous a été remis ouvre de telles possibilités qu'il permet de tout envisager … sans prendre en compte les équilibres, l'histoire, les souhaits des habitants du site.
Nous souhaitons connaître la position des acteurs publics du projet ( Mairies des arrondissements du centre de Paris, Ville de Paris, Région Ile de France …). Ces acteurs publics ont souvent mis en avant une vision modèle, civilisée, citoyenne de la ville et du centre de Paris.  Nous souhaitons dialoguer et obtenir des réponses précises à toutes les questions que nous soulevons ici.

2.1 La prise en compte des intérêts des riverains

Notre association d'habitants du quartier, Paris des Halles, a présenté sa vision depuis le début du projet et a mis l'accent sur la préservation des équilibres dans le programme entre les commerces, la vie locale, les équipements publics … Or, à aucun endroit du document il n'en est fait mention précisément. Nous ne voyons nulle trace concrète dans le  " programme définitif " de notre implication et  de nos recommandations de riverains regroupés en association. Nous nous en inquiétons vivement.
Nous demandons qu'il soit encore possible de vivre dans notre quartier et qu'il  devienne aussi pour nous un véritable lieu d'échanges et de convivialité.
Cf. notre document " Réflexions dites d'octobre 2003 ".
 
2.2 Concentration de flux massifs vers le centre

· Le coeur de Paris est-il vraiment destiné à devenir le lieu principal de convergence de la capitale, lieu de transit et espace commercial de masse au détriment des banlieues et d'autres quartiers de Paris ?  Nous ne le pensons pas et refusons ce concept de " plus grand pôle français de commerces ".
· Nous contestons les  souhaits exprimés par la société Unibail de concentrer les flux de visiteurs sur des espaces aujourd'hui déjà bien trop chargés ( Rue Pierre Lescot, rue de Rivoli), et de refuser aux voyageurs RATP la possibilité de sorties ou d'entrées directes.
· Au contraire, notre association Paris des Halles demande que soient bien mieux dirigés et répartis  les flux de circulation piétonne à travers le quartier.
 
2.3 Impératifs de " rentabilité " et de financement

· Paris des Halles s'interroge toujours sur le financement de l'opération. Qui va financer l'opération et à quelle hauteur ? Bien évidemment, le risque qui apparaît aujourd'hui est qu'un acteur principal finance et donc " pilote " dans les faits le projet sans préservation des intérêts publics.
· Il n'est question que de spectateurs, de clients, de touristes, jamais de riverains ou d'usagers. Nous craignons que les surfaces commerciales puissent être augmentées dans des proportions inacceptables et largement émerger en surface au détriment de l'aération et de l'espace qui sont, aujourd'hui, les valeurs essentielles  des superstructures existantes.
· Les transports seraient réorganisés afin non pas seulement d'améliorer les flux existants mais aussi de les augmenter avec des accès et signalisations des magasins et sans sorties directes de voyageurs à la surface,
· Les nouveaux espaces d'exposition sont des alibis culturels pour contrebalancer la dimension essentiellement économique du projet.
· Le centre de Paris regorge de lieux historiques et culturels à préserver et valoriser peut-être encore davantage et abrite rappelons-le le plus grand musée du monde.

2.4 Dimension durable du projet

Le projet d'aménagement du centre d'une capitale comme Paris représente une occasion exceptionnelle d'affirmer son identité, sa vision de la cité du XXIème siècle, de la place de l'homme dans ville et aussi de communiquer une image internationale de marque forte.
Des villes européennes telles par exemple Rome et Londres, aménagent leur centre ville en diminuant fortement la place de la voiture. Notre association Paris des Halles souhaite que ce projet aille plus loin et devienne une référence européenne de centre ville rendu au piéton.

· Le projet semble encourager des performances architecturales autofinancées abritant de grandes enseignes au détriment d'innovations urbaines durables.
· Les pouvoirs publics (Ville de Paris, Région …)  ont un rôle décisif à jouer : d'une part comme propriétaires de l'espace en sous-sol et en surface dont ils maîtrisent l'affectation et d'autre part comme organes de contrôle et régulation pour l'autorisation de nouvelles surfaces commerciales ou de constructions,
Pour mémoire, l'espace du centre commercial est un espace public qui fut " loué " par Unibail / Espace Expansion et reviendra à la Ville de Paris dans ... 48 ans.
· La circulation automobile sera moins diminuée que dans les déclarations d'intention préliminaires  ( maintien au moins d'une boucle souterraine ) et les capacités des parkings seraient maintenues voire accrues. Pourquoi un tel recul ?
· Nous sommes inquiets de voir que le projet d'aménagement innovant et durable des sous-sols pour des livraisons par voie de rail aient été retiré sans concertation.
· " Le local est délocalisé ". Où seraient implantés les équipements publics destinés aux riverains ? Veut-on nous disperser aux 4 coins de l'arrondissement ?

3. Superstructures

Notre association Paris des Halles s'inquiète du projet de construction de superstructures allant jusqu'à 37 mètres de hauteur voire au-delà (" une adaptation de ces règles pourra être proposée "), hauteur représentant deux fois celle d'un immeuble haussmanien (18,70 m), et qui dépasserait les hauteurs des immeubles du quartier, centre historique de Paris.
Unibail souhaite obtenir une extension de ses surfaces commerciales éclairées par la lumière du jour en rez-de-chaussée et premier étage sur près de 15.000 m2 au lieu des 2.500 m2 actuels (sur les 8.000 m2 des pavillons Willerval). Cela n'est possible qu'en " délocalisant " les espaces publics ou en " densifiant " ( et donc en surélevant) les constructions existantes
Paris des Halles ne veut pas qu'un nouveau bâtiment émerge du forum, coupe les perspectives, densifie l'espace en surface et prive les rues bordant le forum et le jardin de la lumière qui les inonde aujourd'hui.

4. Gestion des transports publics et privés, approvisionnements

Le projet initial était de rénover et fluidifier les flux, de résoudre les problèmes de sûreté et sécurité et de concevoir des modes d'approvisionnement innovants.
Il apparaît maintenant qu'il s'agit bien plus d'augmenter ces flux et l'offre de transport (plate-forme aéroportuaire, bus de nuit, taxis …).

Si la capacité d'accueil de la RATP est augmentée au détriment de la circulation automobile, nous ne pouvons qu'être d'accord. Mais cela ne semble plus être le cas avec le maintien d'une boucle souterraine et le maintien des parkings existants.
L'association Paris des Halles souhaite connaître les objectifs chiffrés de la diminution de la place de la voiture dans ce quartier ainsi que la carte des zones piétonnes et des pistes cyclables prévues par la Ville de Paris.

5. Un jardin à vivre ?

L'espace en surface que l'on souhaiterait appeler " jardin, " " espace à vivre " " poumon du centre de Paris ", " vitrine " d'une grande ville internationale est-il condamné à ne devenir qu'un " espace évènementiel " pour le centre commercial, un"  lieu d'animation réservé" pour des manifestations variées payantes, un " lieu d'accueil en surface ", un " axe de transit " majeur pour les piétons et une " source de lumière " et d'aiguillage vers les magasins du centre commercial ?
Les puits de lumière naturelle pour éclairer les boutiques, les axes de passage des flux piétons massifs en surface, auraient un impact sur la structure du jardin qui deviendrait un espace utilitaire fragmenté et " rentabilisé ". Un lieu " mité " !

Notre association Paris des Halles s'y oppose. Un jardin ne doit pas être à nos yeux un " espace modulable ". Nous ne voulons pas plus de serres ou de jardin d'hiver. Laissons la liberté des architectes et des paysagistes s'épanouir, mais dans l'objectif de créer un " vrai jardin à vivre du centre de Paris en plein air " sans utilisation à des fins utilitaires économiques et commerciales. Un lieu de calme et de jeu pour les enfants.
 
6. Supermarché alimentaire et petits commerces

Nous avons appris, dans le cadre du projet, le souhait de la société Unibail de créer une surface alimentaire  de 2000 m2 au forum.
Nous y sommes opposés. Nous préférons privilégier :
· La survie  des commerces alimentaires de produits frais existants qui existent mais qui sont partout menacés.
· L'affectation d'une superficie en sous-sol à de nouveaux modes d'approvisionnement supprimant ainsi les livraisons en surface.
· La mise en place d'un véritable marché de produits frais avec producteurs locaux. A la condition que des garanties sérieuses et durables soient obtenues sur la destination précise des étals.

Paris des Halles souhaite entendre sur ce point également la position de la Ville de Paris, ses propositions pour maintenir les petits commerces de bouche indépendants et décourager les grandes enseignes et magasins de vêtements de s'installer à leur place dans notre quartier.

7. Conclusion : freiner, préserver, développer

Notre association Paris des Halles maintient ses demandes :
- Freiner l'expansion  d'activités commerciales  déjà hypertrophiées dans le quartier au détriment des possibilités de circuler librement, de respirer et de vivre sans être obligatoirement un " client ".
- Préserver et valoriser les espaces libres, l'aération des constructions, la lumière.
- Développer et mettre en valeur les bâtiments et immeubles historiques, les services publics et culturels, les espaces verts,

Ce n'est qu'en harmonie avec l'idée de durer et de créer des espaces à vivre pour les habitants du quartier et les passants que le " geste " architectural tant attendu pourra éviter les catastrophes précédentes.

La rénovation du quartier dépasse largement les intérêts de ses habitants.

Mais elle ne sera qu'un échec sans leur adhésion. Elle peut être une réussite avec leur enthousiasme.