Nouveautés saison Corse 2023 : Corsica Ferries, Corsica Linea, La Méridionale, Moby - car-ferries Corse
Mare Nostrum Corsica
-
Les nouveautés 2023 sur les lignes de Corse -
Saison 2023 : le début d'un renouveau ?

Arrivées des Moby Dada de la Moby Lines et Sardinia Vera de la Corsica Ferries, à Bastia, en août 2022 ; photo : Romain Roussel.
Après la chute vertigineuse de 2020 du fait de la pandémie, les trafics
maritimes de la Corse
ont retrouvé un niveau presque normal en 2022 !

En
2022, les trafics passagers du port de Bastia ont retrouvé sur
la plupart des lignes des niveaux comparables à ceux de l'avant
pandémie, après deux années très difficiles (voir bilan 2021 détaillé)...
Avant même le déclenchement de
la pandémie de coronavirus qui a touché l'Europe à
partir de février 2020, le contexte était déjà assez rude pour les
compagnies maritimes, qui ont dû faire face dès le
début 2020 au
renchérissement des coûts de transport lié à l'entrée en vigueur de nouvelles normes environnementales. Déjà en
difficulté
financière, la Moby a
échappé de peu courant octobre 2019 à une mise en faillite demandée par certains de
ses créanciers et a dû se placer sous la protection
du tribunal de commerce de Milan, pour renégocier ses dettes
avec ses créanciers.
Elle n'a dû son salut en 2022 qu'à la mansuétude de
l'Etat italien, qui a créé des conditions favorables à son
sauvetage par le puissant groupe MSC (déjà propriétaire notamment des compagnies de ferries GNV et SNAV) ; de nouvelles cessions de navires sont
attendues dans les prochaines années pour parachever son redressement. Depuis octobre 2019, La Méridionale a quant à elle perdu la desserte de la ligne Marseille-Bastia, dont elle était jusqu'alors délégataire, au profit de Corsica Linea et a dû retirer un des trois navires en service jusqu'ici sur la Corse. Du fait de cette décision de la Collectivité de Corse (CdC),
elle est désormais totalement absente de Bastia, principal port de l'île pour le passagers mais aussi et surtout pour le fret, la concernant. Elle a pu reprendre depuis mars 2021 la moitié de la desserte de service public de la ligne
Marseille-Ajaccio - qu'elle avait également perdu à la
même date - ce qui lui a permis de limiter
l'hémorragie. La Méridionale
du fait de sa position structurellement très difficile,
malgré une qualité de service et des performances
environnementales reconnues, a été vendue début juin 2023 par son actionnaire STEF à CMA-CGM,
le troisième armement maritime mondial pour le transport de
conteneurs, ce qui devrait lui donner une nouvelle assise.
À compter de mars 2020, la pandémie de
coronavirus est
venue paralyser quasi-totalement les transports maritimes et a
entraîné une chute
historique des trafics passagers de la Corse, même si la saison
estivale 2020 - et en particulier le mois d'août - n'a pas
été aussi catastrophique qu'annoncé. Depuis
le printemps 2021, les trafics ont commencé à se
redresser doucement,
faisant de la Corse une "destination refuge", privilégiée
par certains des vacanciers continentaux jusqu'ici habitués
à voyager à
l'étranger. Mais la reprise de 2021 était encore
très loin
de compenser les pertes subies en 2020, d'autant que le trafic
aérien
continue de gagner des parts de marché sur les lignes de
Corse, alors même qu'il s'agit du mode transport le moins
écologique (un avion émet jusqu'à 20 fois plus de
dioxyde de carbone qu'un bateau par passager transporté). Celle
de 2022 a permis de regagner le gros du terrain perdu, notamment sur
les lignes Italie-Corse, comme illustré au graphique ci-dessus,
centré sur le port de Bastia. En effet, mis à part les
lignes Bastia-Nice et Bastia-Genova, toutes les lignes bastiaises ont
retrouvé des niveaux satisfaisants, Bastia-Savona et
Bastia-Marseille ont même vu transiter en 2022 davantage de
voyageurs qu'en 2019 !
Si des incertitudes demeurent quant
au devenir à long terme de la
délégation de service public Marseille-Corse, ce système qui gagnerait pourtant à
être profondément revu
pour permettre de relancer l'économie de l'île à un
coût soutenable pour la collectivité a été reconduit fin décembre 2022 pour la période 2023-2029.
Dans ce contexte, la
saison 2023 devrait confirmer le retour progressif à la normale
amorcé en 2022, sauf aggravation de la crise provoquée
par la guerre en Ukraine. Le mode maritime devra toutefois relever
très vite
l'immense défi de la transition énergétique et des
mesures de décarbonation de cette industrie, que l'Organisation
maritime internationale (OMI) mettra en vigueur certes progressivement, mais
rapidement à l'échelle des flottes, et ce dès
2023 (voir l'article thématique
dédié à cette problématique
environnementale). Aussi, les compagnies ont-elles tout juste
commencé
à relever le défi, avec
la mise en oeuvre de premières mesures de transition
écologique (courant à quai, filtres à
particules...) mais devront en faire beaucoup plus pour pouvoir
continuer à faire naviguer leurs ferries dans les prochaines
années. L'éco-programme Yellow Cares de la Corsica Ferries,
entré en vigueur en 2021 et qui s'est déjà traduit
notamment par l'usage de fiouls plus légers, devrait ainsi
conduire à la conversion de plusieurs de ses navires à
des carburants alternatifs moins polluants (de type méthanol ou
gaz naturel liquéfié - GNL), à une date encore
à préciser.
Quant à la Corsica Linea,
elle a mis en service début 2023 un nouveau cargo mixte,
A Galeotta, le premier sur la Corse à être propulsé
au GNL. Deux autres nouveaux venus sont
annoncés sur
les lignes
de Corse pour la saison 2023, le Mega Victoria de la Corsica Ferries et le Moby Orli de la Moby Lines. Il n'y aura toutefois pas de nouvelle compagnie maritime, la société Nice Green Ferries (NGF),
basée à Nice et dirigée
par l'architecte naval norvégien Per Kavli, ayant finalement
jeté l'éponge. Elle avait annoncé fin juillet 2021
avoir signé une lettre d'intention avec un chantier naval
norvégien non nommé
(vraisemblablement Fosen, basé à Bergen) pour deux ferries jumeaux
de 140
mètres propulsés à l'hydrogène, affichant
de hautes performances écologiques et
un design très novateur et souhaiter les faire naviguer sur la
Corse et la Sardaigne dès l'automne 2023. Cette société devrait finalement concentrer ses
futurs projets sur le seul secteur de la croisière,
à un horizon encore indéterminé.
Pour la saison 2023, la Corsica
Ferries se dote d'un nouveau navire, le Mega Victoria, et poursuit sa transition écologique

Arrivée du Mega Smeralda de la Corsica Ferries à Bastia, en août 2022 (photo : Romain Roussel), premier des 4 mega cruise ferries de la Baltique acquis par la compagnie aux bateaux jaunes.
La Corsica Ferries a
ouvert à la vente début octobre 2022 le
pré-programme de ses
traversées pour la période allant jusqu'à
début septembre 2023 et l'a complété depuis.
N'était spécifié dans un premier temps le détail exact des
horaires
des navires que pour la période d'hyper-pointe allant du 24
juillet au 3 septembre 2023 (en dehors de cette période, il était juste indiqué si les
traversées devaient être assurées de
jour ou de nuit, avec des durées indicatives de
traversées et/ou de plages horaires concernées),
mais les horaires de printemps et d'été ont finalement
quasiment tous été spécifiés courant
janvier 2023. Les horaires de la Corsica Ferries
comprennent désormais une bonne marge de
sécurité permettant de substituer un
navire à l'autre en fonction de la demande sur chaque axe ou de
rattraper d'éventuels retards dus aux opérations
portauaires ou à la météo.
L'ouverture des réservations concerne les lignes de
Corse, mais
aussi celles de la Sardaigne, et des Baléares (Majorque et
Minorque). Bien que les noms des navires assurant ces traversées
ne soient pas indiqués,
cette programmation correspond aux 12 ferries de la compagnie
(y compris la programmation
pour l'été du NGV
affecté principalement à l'île d'Elbe). En
effet, la Corsica Ferries
table logiquement pour la saison 2023 sur une poursuite de la
reprise des
trafics passagers qui se sont fortement redressés en 2021 et
2022, contrastant ainsi avec la chute historique de 2020 due à
la
crise du coronavirus. Outre les traversées
complémentaires déjà ajoutées vers
l'île d'Elbe, cette programmation pourrait
encore être complétée dans les prochains mois
par des traversées de jour supplémentaires, voire par des
traversées
inter-îles (Corse-Sardaigne notamment) pour l'été
2023. En effet, comme l'an dernier, des traversées supplémentaires
peuvent être ajoutées au fil de l'eau sur la Corse et la Sardaigne pour
faire face à la demande afin que, cette année non plus, personne ne
reste à quai
faute
de bateau !
Toutes
lignes confondues et une fois l'ensemble des traversées
programmées, les week-ends de pointe d'août, la Corsica Ferries assure en 2023 au moins une douzaine de rotations dans
chaque sens entre
la Corse et le
continent, ce qui reste de loin le réseau le plus dense sur la
Corse.
S'agissant de la flotte,
l'année 2023 est, pour la Corsica Ferries, celle d'une importante nouveauté, avec
la mise en service d'un nouveau navire, le Mega Victoria, acquis auprès de la compagnie finlandaise Viking Line en août 2022 et arrivé en Méditerranée début octobre.
D'une grande capacité (plus de 2 400 passagers) et doté
d'une nombre important de cabines (460), ce navire est le
quatrième de la série des mega cruise ferries de la mer Baltique acquis par la compagnie aux bateaux jaunes depuis une quinzaine d'années (après les Mega Smeralda en 2008, Mega Andrea en 2015 et Mega Regina en 2021). Au sein de la flotte de la Corsica Ferries, il succède au Corsica Victoria, désormais vendu [1]. Ce nouveau ferry n'est pas affecté à une ligne en particulier, la Corsica Ferries préférant depuis 5 ans maintenant faire
naviguer ses bateaux sur plusieurs
lignes au cours de l'année plutôt que de les
spécialiser dans une seule : nombre de ses clients,
principalement des lignes
de Corse, devraient donc pouvoir emprunter l'un ou l'autre de ses
ferries la saison prochaine sur leur parcours
habituel à une date ou à une autre... Si le nom des navires
effectuant les traversées n'est plus mentionné lors de la
réservation (ce qui permet à la compagnie de substituer
un navire à l'autre en cas de nécessité), il est communiqué
par mail aux clients 7 jours avant le départ lors du check-in et
peut généralement être vu
également au moins un mois à l'avance sur les horaires
prévisionnels de certains ports (Bastia, Ile Rousse, Toulon...),
accessibles sur la page des liens. Ainsi, grâce à cette source, il apparaît que le Mega Victoria
serait surtout employé sur les lignes Savona-Bastia, Savona-Ile Rousse et Nice-Ile Rousse pendant la haute
saison 2023. Sa première traversée a été effectuée le 19 mai.
Sous réserve de confirmation, le nouveau Mega Victoria,
livré à la Corsica Ferries dès octobre 2022, pourrait voir à terme sa capacité garage augmentée. Cela a été le cas des trois autres mega cruise ferries de la compagnie et, dernièrement en particulier du Mega Regina. Ce bateau
avait en effet navigué sous les couleurs jaunes
de la compagnie durant l'été 2021 avant
d'être réaménagé au printemps 2022 de
manière notamment
à accroître sa capacité garage, pour mieux
répondre aux besoins du marché
Méditerranéen (passage de
430 à près de 600 voitures, par modification des
car-decks et ajout d'une cale en remplacement de certaines cabines
situées sous la ligne de flottaison).
Après transformation, le Mega Regina, présenté comme le
ferry le plus écologique de la flotte en raison de sa faible consommation
par passager transporté et du fait qu'il dispose à la fois de filtres
à particules (visant à réduire de
60% les émissions d'oxyde d'azote dans l'air) et
d'un branchement électrique à quai (dans les ports qui en
sont équipés, comme Toulon), peut transporter 2500
passagers dans 700 cabines, toutes situées au-dessus des ponts
garage et dotées d'une salle de bains privative, à
l'instar des autres navires de la Corsica Ferries.
Au-delà de la mise en service récente de ces nouveaux navires, la compagnie aux
bateaux jaunes déploie progressivement depuis plusieurs années une
nouvelle stratégie de développement durable, appelée Yellow Cares (voir détails sur le site de la compagnie). Cela se
traduit par diverses actions concrètes : des mesures concernant directement les navires
(réduction du nombre de traversées et de la vitesse des navires, suppression totale de
l'usage des matières plastiques à usage
unique après celle des sacs plastiques déjà
intervenue il y a longtemps...), partenariats
accrus avec des organisations environnementales (notamment concernant
le repérage des cétacés en
Méditerranée lors de traversées, grâce
notamment à la fondation CIMA)
et engagements de forte réduction des émissions de
matières polluantes. Ces engagements sont concrétisés notamment depuis
l'été 2019 par l'adhésion de la Corsica Ferries à la charte SAILS [2]. Cette charte a également signée simultanément par la plupart des armateurs français (La Méridionale, Corsica Linea, Brittany Ferries...) et par un seul armateur italien (Grimaldi Lines).
Les engagements de la compagnie aux bateaux jaunes se traduisent aussi concrètement par l'usage d'un
carburant encore plus léger que celui prévu par la
nouvelle réglementation (0,1% de soufre contre 0,5%) lors des
phases d'approche des ports de Nice et de Toulon et lors des escales
à quai dans ces ports. De fait, des études
atmosphériques réalisées dans la zone portuaire de
Toulon et les quartiers limitrophes ont montré
l'efficacité de ces mesures, puisqu'aucun pic de pollution
lié aux ferries n'a été enregistré pendant
l'été 2020, selon un organisme indépendant. Pour aller plus loin, les quais du port varois sont en cours d'adaptation et toute la flotte escalant à Toulon pourra s'y connecter d'ici 2024 (après le Mega Regina, ce devrait être le cas notamment de son navire amiral, le
Pascal Lota).
La Corsica Ferries a aussi signé la charte
'"Euroméditerranéenne en faveur de l'environnement" et
est l'un des rares armateurs méditerranéens à
avoir publiquement pris parti en faveur de la création d'une
zone à émissions
réduites (SECA) en
Méditerranée, qui devrait voir le jour à l'horizon 2024 et permettra d'aller plus loin que la
réglementation actuellement prévue quant aux
émissions de dioxyde de soufre. Pour faire face aux nouvelles normes environnementales tout en continuant de proposer des tarifs compétitifs, la
compagnie finaliserait une nouvelle stratégie en
termes de motorisation de ses navires, dont l'ébauche a
été dévoilée lors de la signature de la
charte SAILS. Elle consisterait à convertir, quatre de ses Mega Express -
on ignore encore lesquels et selon quel calendrier précis, la
crise du coronavirus ayant entraîné un
décalage des échéances initiales prévues
à
l'horizon 2024 -
à une propulsion mixte GNL-méthanol très
innovante. Il semblerait toutefois réaliste de penser qu'il
s'agisse des navires les plus rapides de la flotte, ceux naviguant
à 28 noeuds environ de vitesse maximale, à savoir le Pascal Lota, le Mega Express, le Mega Express Two et le Mega Express Three,
sous réserve de confirmation. Par
ailleurs, la compagnie aux bateaux jaunes travaillait, avant la
pandémie de coronavirus, à
un projet de navire neuf dual-fuel, capable d’être
alimenté au GNL. Ce projet a toutefois dû être
suspendu et la crise récente amènera peut-être la Corsica Ferries
a revoir les spécifications ce ce futur navire, si elle en passe
finalement commande. Plus récemment, elle a fait l'acquisition
d'un cargo récent (construit en 2018 et pouvant transporter
à la fois remorques et conteneurs), le Rosa dei Venti, loué à la compagnie sarde Grendi, et a pris des participations dans la société Neoline.
Cette société développe un nouveau concept de
cargo à voiles qui devrait desservir l'Amérique du nord
depuis la France en 2025 à une vitesse de 11 noeuds en
réduisant de 80% les émissions de dioxyde de carbone par
rapport à un navire classique.
Les dessertes de service public entre la Corse et Marseille assurées principalement par la Corsica Linea et, secondairement, par La Méridionale ont été reconduites jusqu'à fin 2029
Les Jean Nicoli et Pascal Paoli de la Corsica Linea, à Bastia, en août 2022 ; photo : Romain Roussel. Avec La Méridionale, la Corsica Linea est la seule compagnie a avoir répondu à l'appel d'offres des lignes Marseille-Corse pour la période 2023-2029 ; elles l'ont donc emporté.
La Corsica Linea, qui a succédé depuis avril 2016 à l'ex-opérateur historique de la Corse, la SNCM,
disparue au début de cette année-là après de nombreux rebondissements, a dans un premier temps rompu le partenariat historique avec La Méridionale. Suite à une procédure d'appels d'offres ligne par ligne organisée par la Collectivité de Corse pour les lignes reliant l'île à Marseille, la Corsica Linea a
navigué d'octobre 2019 à fin février 2021 sur
les deux principales lignes
de fret de l'île (Marseille-Bastia et Marseille-Ajaccio), tout en
bénéficiant de montants de subventions plus
élevés qu'auparavant... Après de multiples
prolongations et rebondissements, les lignes maritimes
ont été réattribuées une première fois le 25 février 2021
par les élus de l'Assemblée de Corse pour les années 2021 et 2022. Les compagnies
délégataires étaient de nouveau la Corsica Linea et La Méridionale,
mais avec une répartition un peu différente des lignes.
La ligne Marseille-Ajaccio était désormais partagée entre
la Corsica Linea et La Méridionale qui, en contrepartie, s'était alors retirée de celle de Porto Vecchio. Dès lors, la Corsica Linea
a conservé 5 navires sur les lignes de Corse - comme c'était le
cas depuis l'automne 2019 - et La Méridionale, 2 (pour
mémoire, elle en avant 3 avant l'automne 2019). Sur les 22 mois
de la délégation de service public, ces deux compagnies
se sont partagé 168 millions d'euros de subventions, d'après le
rapport de l'Office des transports de la Corse, non comprises les indemnisations reçues de la part de la Collectivité de Corse pour les moindres trafics intervenus durant les périodes de la COVID-19 (5,4 millions pour
Corsica Linea et 675 000 euros pour La Méridionale selon l'OTC).
Cette
reconduction d'un système de délégation de service
public pour près de deux ans, sur la base d'un cahier des
charges officiellement revu mais en fait extrêmement proche du
précédent, n'apparaît pas comme une solution
très satisfaisante pour de nombreux observateurs. Une
alternative aurait été que ces lignes soient
placées sous un
régime d'obligations de service public (OSP),
plutôt que d'une délégation de service public
(DSP). Dans le premier cas, cela aurait permis une concurrence
réelle entre opérateurs : dans ce schéma, des
subventions auraient été directement versées aux
transporteurs routiers (et/ou aux passagers)
embarquant sur les navires plutôt qu'aux compagnies
délégataires et le marché aurait
été nettement
plus ouvert, pour un coût vraisemblablement bien moindre pour la Collectivité
(à titre de comparaison, le dispositif d'aide sociale
utilisé de 2002 à 2014 sous régime d'OSP sur les
lignes entre Toulon, Nice et la Corse revenait à moins de 20
millions d'euros par an). Toutefois, cette option a été
combattue tant par l'Exécutif de Corse
- qui craint un amoindrissement de la desserte de l'île hors
saison - que par les syndicats et responsables des compagnies
actuellement délégataires (Corsica Linea et La Méridionale),
pour lesquelles cette
ouverture serait synonyme de pertes de parts de marché et
de subventions publiques. Aussi, sans pour autant arriver à
satisfaire les transporteurs corses qui souhaiteraient des
capacités fret supérieures sur les ports principaux de
l'île, la Collectivité de Corse a-t-elle relancé un appel d'offres pour la desserte maritime de la Corse pour la période 2023-2029. Y ont seulement répondu les deux concessionnaires sortants,
qui ont dès lors sans surprise été reconduits comme
nouveaux délégataires sur les mêmes lignes
qu'auparavant (à une interversion près des lignes de Propriano et de Porto Vecchio entre La Méridionale et Corsica Linea)...
De même que les tarifs du fret ont augmenté sur
Marseille-Corse au grand dam des transporteurs (le tarif du
mètre linéaire est passé de 35€ à
40€, soit une hausse de près de 15%), le coût pour la
Collectivité de Corse a aussi été revu très sensiblement à la
hausse (107 millions d'euros par an sur 7 ans), en raison de
l'explosion des coûts du carburant intervenue entre-temps, que
les compagnies délégataires ont fait combler par les deniers publics.
Dans ce
contexte de stabilisation pour 7 ans du cadre juridique de la desserte
maritime (jusqu'à la fin 2029 donc), les réservations de la Corsica Linea pour
l'été 2023 ont été ouvertes din décembre 2022, dès
la confirmation officielle de l'attribution des lignes à la
compagnie. En 2022, sur Marseille-Bastia, la
principale ligne insulaire
pour le fret, la Corsica Linea alignait le Vizzavona en plus du Pascal Paoli. Ces deux navires alternent pour la saison 2023 sur cet axe avec le nouveau cargo mixte de la compagnie, nommé A Galeotta en référence au navire amiral de Pascal Paoli.
A Galeotta est programmé
à la fois sur Marseille-Ajaccio (le week-end) et sur
Marseille-Bastia (en milieu de semaine, lorsque les trafics frets sont
les plus importants, ce qui est très utile sur le port de Bastia
où les taux de remplissages sont très
élevés) bien que
ce dernier port ne puisse, en théorie, accueillir de
manière régulière des navires d'une telle
longueur (en l'occurrence, 206,6 mètres). La Corsica Linea a
en effet obtenu des autorisations permanentes
d'escale pour ses navires de plus de 180 mètres de longueur,
alors même que ceux-ci ne peuvent tourner dans le port en cas de
besoin (pour mémoire, s'agissant des compagnies concurrentes,
les navires de cette longueur ne sont habituellement admis
que hors saison, sauf exception). Sa mise en service est finalement intervenue
début janvier 2023, après plusieurs reports (elle avait initialement
été annoncée pour juillet 2022). Il
s'agit du plus gros cargo mixte en service sur les lignes de Corse,
avec une capacité de 2 560 mètres linéaires de
roll (soit 180 remorques, 20 à 30 de plus que le Pascal Paoli),
plus 150 voitures et une capacité limitée à 650 passagers. Premier navire des lignes de Corse
propulsé partiellement au gaz naturel liquéfié (GNL) sur un quart de la durée de ses voyages, A Galeotta n'aura donc pas besoin des épurateurs de fumée, qui équipent la plupart des autres navires de la Corsica Linea, pour respecter les nouvelles normes environnementales (pour mémoire, ces scrubbers ouverts
avaient déclenché une polémique à
l'hiver 2022-2023 en raison des rejets d'eau acidifiée,
potentiellement nuisibles à la flore marine, qu'ils
provoquent, notamment en proximité des côtes, en raison de
dérogations der rejet en mer accordées par les
autorités françaises pour plusieurs
années...).
Du fait de ce nouvel entrant sur les lignes de Corse, l'affectation par ligne des autres navires de la Corsica Linea diffère quelque peu de celle
appliquée en 2022. Si le Monte d'Oro
est reconduit sur Marseille-Ile Rousse, l'incendie survenu début
juin dans sa salle des machines risque de le priver de l'ensemble
de la saison estivale ; dans l'attente de son retour, il est
remplacé sur cette ligne par le Kalliste, affrété à La Méridionale. Le A Nepita
ripe quant à lui de Marseille-Porto Vecchio à
Marseille-Propriano. Se pose notamment la question de l'avenir des
plus anciens navires de la flotte : le ferry Méditerranée,
affecté à la ligne Marseille-Alger, a finalement
été rénové, passé à la
couleur rouge de la compagnie et confirmé sur ces lignes en
2023.
L'avenir semble aussi incertain pour les Jean Nicoli, jusqu'ici
affecté à Marseille-Porto Vecchio et qui devrait
être remotorisé à l'horizon 2027 et pour le Paglia Orba,
jusqu'ici affecté à Marseille-Ajaccio, qui pourrait être remplacé
à moyen terme par une nouvelle construction neuve. Pour la saison 2023, le Jean Nicoli ripe sur les lignes Marseille-Algérie tandis que le Paglia Orba effectue
une centaine de rotations supplémentaires en été
entre Marseille et la Corse (lignes Marseille-Ajaccio,
Marseille-Propriano ou Marseille-Ile Rousse selon les jours). Pour
mémoire, les Monte d'Oro et Paglia Orba avaient failli être vendus à la Collectivité de Corse il y a quelques années [3] pour
constituer le noyau d'une compagnie régionale maritime qui n'a finalement
jamais vu le jour (bien que ce projet soit toujours
évoqué par la majorité territoriale à l'horizon... 2030 désormais). Se
pose aussi la question du remplacement du Vizzavona, affrété auprès de l'armateur italien Grimaldi Lines jusqu'en octobre 2023 et dont le retour en mer Baltique au sein de la filiale finlandaise Finnlines de Grimaldi avait d'ores et déjà été annoncé à
cette échéance ; il devrait finalement rester au sein de la flotte de la Corsica Linea pour cinq années de plus, son contrat d'affrètement ayant été prolongé. Le ferry Danielle Casanova
est quant à lui reconduit sur la ligne
internationale Marseille-Tunis, qu'il dessert depuis plusieurs
années déjà à titre principal.
L'arrivée à Marseille du Kalliste de La Méridionale en
janvier 2018 ; photo : Jean-Pierre Fabre. Jusqu'à son affrètement par Corsica Linea initialement pour la desserte de l'Algérie et finalement pour Marseille-Ile Rousse depuis l'incendie du Monte d'Oro, l'avenir de ce navire était incertain, La Méridionale ne desservant plus Marseille-Propriano en 2023 et ayant choisi de faire naviguer le Girolata, jusqu'ici employé sur ses lignes du Maroc, sur Marseille-Porto Vecchio.
Après
de nombreuses turbulences consécutives à la perte de ses
lignes principales de fret (Marseille-Bastia et Marseille-Ajaccio) et
aux mouvements sociaux qui s'en sont suivis, La Méridionale
a été fortement fragilisée. Sa
présence est désormais réduite à deux
navires
sur les lignes de Corse et la diversification initiée depuis deux ans sur la
ligne reliant Marseille à Tanger au Maroc a souffert des
restrictions sanitaires.
Sur la Corse, la compagnie doit faire face à l'expansion
continue de la flotte de Corsica Linea, avec laquelle une forme de "divorce" a été
consommée [4]. Ainsi, les deux compagnies disposent désormais de systèmes de
réservation séparés (un système unique
était jusqu'en 2019 géré
par la Corsica Linea pour le compte des deux compagnies) et
ne desservent plus qu'une seule ligne en commun (Marseille-Ajaccio) jusqu'à fin 2022, alors que c'était
traditionnellement aussi le cas sur Marseille-Bastia de très longue date (autrefois en
partenariat avec la SNCM,
avant 2016). Son actionnaire unique, le groupe de transport frigorifique STEF, l'a dès lors cédée en juin 2023 au troisième armement maritime mondial CMA CGM,
également basé à Marseille, ce qui devrait donner
un nouveau souffle à la compagnie. En effet, le nouvel
actionnaire a d'ores et déjà annoncé avoir
l'intention de commander prochainement deux nouveaux navires plus
écologiques pour La Méridionale, qui pourraient être mis en servcie au mieux en 2026.
La DSP maritime 2023-2029 ayant désormais été attribuée, il se confirme que La Méridionale ne desservira plus pendant les 7 prochaines années que deux ports du sud Corse : Porto Vecchio (en remplacement du Kalliste sur Propriano, ligne qui échoit désormais à Corsica Linea) avec le Girolata, et Ajaccio avec le Piana,
pourtant conçu pour la ligne Marseille-Bastia, sur laquelle il naviguait
jusqu'à l'éviction de la compagnie de cette ligne
à l'automne 2019. Les réservations de La Méridionale
pour 2023 ont été ouvertes fin décembre 2022,
dès l'attribution de la concession des lignes Marseille-Corse
par la Collectivité de Corse.
Consciente que son avenir risque de plus en plus de se jouer hors de
Corse du fait de la position hégémonique de Corsica Linea pour le transport du fret entre Marseille et la Corse, La Méridionale s'est lancée sur une nouvelle destination en Méditerranée, le Maroc. Ainsi, le Pelagos, acquis courant 2019 pour répondre à une précédente DSP, et le Girolata ont-il depuis navigué de pair
entre Marseille et Tanger. Cette liaison
est assurée deux à trois fois par semaine par
ces navires,
à raison de 39 heures environ de traversée, mais son
équilibre financier, sur fond de pandémie et de
restrictions de déplacement, serait précaire depuis son
lancement et ce, d'autant plus que La Méridionale n'avait jusqu'ici jamais assuré de ligne à l'année en dehors de celles subventionnées. Aussi, La Méridionale a-t-elle déplacé à compter de fin octobre 2022 le Pelagos sur
une nouvelle ligne, Barcelone-Tanger, afin de porter à 4 le
nombre de rotations hebdomadaires de et vers le Maroc, mais cette ligne
n'a pas rencontré le succès escompté et a
été fermée dès janvier 2023. Depuis lors,
l'avenir du Pelagos est incertain ; jusqu'à la reprise de La Méridionale par CMA CGM,
sa possible vente était évoquée, mais le nouveau
propriétaire de la compagnie a depuis annoncé souhaiter
reprendre aussi ce cargo mixte... Son avenbir est temporairement assuré sur la ligne Marseille-Tanger en remplacement du Kalliste, lui même affrété par Corsica Linea pour remplacer cet été le Monte d'Oro
à la suite de l'incendie dans la salle des machines de ce navire
survenu début juin. Initialement, il avait été
annoncé que le
Kalliste, devait être affrété pour l'été 2023 par la Corsica Lineapour
venir en renfort des lignes d'Algérie, mais cela ne sera
finalement pas possible tant que ce cargo mixte devra desservir la
ligne Marseille-Ile Rousse. La
compagnie aux bateaux rouges projertait pour la première fois
une
offre au départ de Sète, afin de diversifier ses escales
vers
Algérie au-delà d'Alger, en proposant aussi des
départs de et vers Annaba, Skikda et Bejaïa.
Soucieuse de l'environnement, La Méridionale a été la première à
bénéficier de la connexion du courant à quai
à Marseille (dès 2017, lors des escales longues de ses
navires qui passent la journée à quai)
et a expérimenté à l'automne 2018 un système
de raccordement permettant aussi de limiter les émissions
polluantes sur le port d'Ajaccio. En outre, en vue du durcissement des
normes d'émissions de polluants dans l'air,
elle a expérimenté à
compter du
printemps 2019 un nouveau système de filtre à particulessur un des moteurs du Piana,
qui a
donné d'excellents résultats. Aussi a-t-elle
décidé à l'automne 2021 de déployer ce
dispositif sur l'autre moteur du navire, avant de le valider officiellement en septembre 2022 et de pouvoir aussi faire de Piana le navire le moins polluant de Méditerranée. Ce système, à base de bicarbonate de soude, conçu par Andritz et Solvay, permet d'épurer les fumées émises et pourrait constituer une alternative avantageuse aux scrubbers, critiqués pour leurs rejets en mer et leur manque d'efficacité. D'après Benoît Dehaye, le directeur général de La Méridionale,
ce dispositif permet d'aller au-delà des nouvelles
normes environnentales et d'éliminer "en plus des oxydes de
soufre, 99 % des particules fines". La
compagnie n'a toutefois pas précisé à ce stade si
elle étendrait ce système, qui nécessite de
lourdes et coûteuses adaptations, à d'autres de ses
cargos mixtes à
l'avenir. La
Méridionale adhère d'ailleurs depuis octobre 2020 au label Green Marine Europe, programme volontaire de certification environnementale reconnu à six armateurs européens (dont également Corsica Linea et Brittany Ferries) qui s'engagent à mesurer leur empreinte environnementale pour mieux la réduire.
A noter aussi que dans le cadre de la DSP 2023-2029, l'Office des transports de la Corse n'a toujours pas obtenu des
compagnies délégataires - SNCM, puis Corsica Linea et La Méridionale - qu'elles alternent un
jour sur
deux les traversées vers les ports de Porto Vecchio et
Propriano. Déjà
identifié comme l'un des
points faibles des
précédentes conventions de service public, cette
concentration de la desserte fret de l'extrême Sud sur trois
jours de la semaine était un frein pour
l'économie du sud
de l'île. La nouvelle DSP Marseille-Corse se fonde dès lors de nouveau un
schéma de desserte assez déséquilibré entre ces deux compagnies :
à titre d'illustration, seuls deux départs du
continent pour la Corse sont assurés les jeudis soirs (pour
Ajaccio et Bastia), mais cinq les vendredis soirs (avec en sus des
traversées pour Ile Rousse, mais aussi pour Propriano avec
la Corsica Linea et Porto Vecchio pour La Méridionale, programmées donc le même soir...).
Enfin, la liaison corso-sarde Propriano-Porto
Torres, assurée naguère jusqu'à 2 à 3 fois par semaine
par le Kalliste de La Méridionale en
traversée de jour, dans le prolongement de sa
traversée de nuit Marseille-Propriano, a totalement disparu depuis février 2020. Un
projet de
nouvelle DSP avait pourtant été relancé courant
2022, en vue d'une reprise du service attendue dès 2023,
mais cela n'a rien donné de concret. En
attendant, des liaisons ponctuelles sont
toutefois assurées entre Ajaccio, Porto Vecchio ou Bastia d'une
part et Golfo Aranci et Porto Torres en Sardaigne d'autre part par la Corsica Ferries, ces différentes liaisons permettant donc de faire transiter du
fret entre Corse et Sardaigne plus facilement que par le port de Bonifacio, peu adapté à ce type de trafic.
En 2023, la Moby mise surtout sur la Sardaigne mais renforce aussi sa présence sur Genova-Bastia

L'arrivée à Bastia du Moby Dada de la Moby Lines, en août 2022 (photo : Romain Roussel), affecté à la ligne Genova-Bastia. Courant février 2023, la Moby a finalement décidé de lui substituer le Moby Orli sur
cette ligne pour la saison 2023, sauf que la mise en service de ce
dernier navire a été compromise et que c'est finalement le Moby Corse qui assure cette desserte !
Plus encore que la Corsica Ferries, la Moby Lines
a
très durement subi en 2020 et 2021 les effets de la
pandémie sur les lignes de
Corse, du fait
de sa spécialisation exclusivement sur les lignes avec l'Italie
(Genova et Livorno), qui sont celles qui ont le plus souffert de la
crise du coronavirus. Ainsi, sa présence sur les lignes entre
Bastia et l'Italie, déjà saisonnière
habituellement, a été très fortement raccourcie
depuis 2020 et concentrée sur les seuls mois
d'été.
Le programme de rotations de la Moby
pour 2023 a été révélé le 21 octobre 2022 et s'inscrit dans
la continuité de celui de 2022. En effet, dans le cadre de son plan de restructuration, la Moby
a prévu de se séparer à brève
échéance de deux navires qui avaient fréquemment
été employés sur la Corse, du fait de leurs
caractéristiques bien adaptées au marché et aux
contraintes de longueur du port de Bastia, les Moby Corse et Moby Zazà.
Ces deux ferries avaient d'ailleurs déjà
été affrétés hors de Corse, le premier
depuis l'été 2021 sur la ligne Italie-Croatie
(Ancona-Split), le second à l'été 2022 sur
plusieurs lignes entre l'Espagne, les Baléares et
l'Algérie notamment. Il ne resterait dès lors plus à la Moby un grand choix de navires à affecter sur les lignes de Corse pour la saison 2023.
La compagnie avait donc décidé de programmer, comme en 2022, le Moby Dada entre
Genova et Bastia de la fin du printemps au début de
l'automne. Elle avait dans un second temps choisi de faire naviguer à la place le Moby Orli, qui était à son construction le jumeau du Mariella de la Viking Line, devenu depuis 2021 le Mega Regina de la Corsica Ferries. Le Moby Orli n'étant toutefois pas prêt pour la saison 2023, c'est finalement le Moby Corse qui
assure les rotations Genova-Bastia de la Moby jusqu'à la fin de la saison. Cette desserte est assurée de nuit
dans le sens de plus forte
affluence et de jour, en 7h30, dans le sens creux. En outre, les
week-ends de pointe d'été, viennent en renfort les Moby Aki et Moby Wonder,
en traversées de jour entre Genova et Bastia, renouant ainsi
avec des horaires de desserte déjà retenus en 2020 et
2021 par la Moby. Sur la ligne
Livorno-Bastia,
où la
programmation est passée à une seule rotation par jour
depuis 2020, on retrouve classiquement le Moby Vincent pour un aller-retour quotidien en saison.
En 2023, le groupe Moby, que son
président historique, Vincenzo Onorato, accusé par le tribunal de Milan de
banqueroute frauduleuse, a quitté en
octobre 2021, se concentre surtout en fait sur sa restructuration
financière, qui passe par
l'entrée en capital - à hauteur de 49% - du puissant groupe MSC, déjà propriétaire par ailleurs des compagnies italiennes GNV et SNAV,
ce qui lui a permis de s'acquitter de ses dettes les plus urgentes.
Elle
devrait en théorie fusionner avec l'autre grande compagnie du groupe,
la Tirrenia, d'ici 2025, pour mieux contrer la concurrence grandissante
du groupe Grimaldi Lines sur les lignes sardes et siciliennes. Dans cette optique, la Moby met en service deux navires géants construits en Chine, les Moby Fantasy et Moby Legacy,
dont elle devrait être en fait simple affréteur, les
propriétaires demeurant à ce stade des investisseurs
chinois (ICBC Bank) [5]. Ces navires sont destinés aux lignes sardes du
groupe et, en particulier, à concurrencer frontalement dès 2023 les maxi-navires Cruise Europa et Cruise Sardegna. Ceux-ci sont déjà
déployés par Grimaldi Lines depuis la saison 2021 entre Livorno et Olbia, en Sardaigne, c'est-à-dire sur le premier axe maritime de transport de passagers (et de fret) de cette région de Méditerranée occidentale. Toutefois, si le Moby Fantasy entre bien en service courant juin 2023, le Moby Legacy,
dont la construction a pris du retard, loupera la saison
d'été 2023 pendant laquelle il sera remplacé par
un navire affrété à la Tirrenia, le Moby Vinci, ex-Nuraghes.
Sur les lignes corso-sardes enfin, un bras de fer se jouait depuis plusieurs années entre la Moby et une compagnie concurrente, sur la ligne Bonifacio-Santa Teresa di Gallura. La BluNavy, qui avait elle-même pris le relai de la Saremar il y a quelques années, a cédé la place depuis l'été 2021 à la nouvelle compagnie italienne Genova Trasporti Marittimi (GTM),
pour se recentrer sur les lignes Italie-île d'Elbe. La GTM a repris le navire Ichnusa qui effectue cette liaison depuis sa mise en service en 1988 et opère sous le nom commercial de Ichnusa Lines. Cette compagnie, filiale
à parité de deux sociétés génoises,
la Finsea et San Giorgio del Porto,
spécialisée dans la réparation navale, bénéficie toutefois du soutien logistique de la Corsica Ferries pour l'armement du navire et a conclu un partenariat commercial avec la Moby lors de la saison 2022. La Moby continue quant à elle de desservir la ligne Bonifacio-Santa Teresa en alternance avec les ferries Giraglia et Bastia,
de plus en plus contestés en raison des nombreux incidents et
interruptions du service subies ces dernières années pour
des raisons techniques. Elle a toutefois remporté la DSP de
trois ans relative à cette desserte hors saison pour les hivers
2022-2023 et les deux suivants. Par ailleurs, en raison de travaux sur
le port de Santa Teresa di Gallura en Sardaigne, la liaison est
temporairement déroutée sur le port sarde de Palau, ce
qui prolonge la durée de la traversée (qui dure 1h30 au
lieu de 50 minutes).
Le Mega Express Four de la Corsica Ferries et le Vizzavona de la Corsica Linea, quittant Bastia, en mai 2021 ; photo : Romain Roussel. Le Vizzavona
devait quitter les lignes de Corse pour la Baltique à l'automne
2023 mais va finalement rester plusieurs années supplémentaires en
Méditerranée...
Notes ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
[1] Le Mega Victoria vient en remplacement d'un des navires historiques de la Corsica Ferries, le Corsica Victoria,
vendu en février 2023 à la société
albanaise Flipper Lines et rebaptisé Camomilla dans la
foulée (l'ex-Corsica Victoria devait naviguer de ce fait sur les lignes
italo-albanaises, mais a finalement été affrété par Algérie Ferries pour la saison 2023). Son jumeau, le Sardinia Regina avait déjà été vendu en 2021 à un armateur Libyen, et renommé Kevalay Queen par son nouveau propriétaire (voir ici le reportage de Vidéonavi retraçant la carrière du Sardinia Regina pour le compte de la Corsica Ferries). Avec l'arrivée du Mega Victoria sur les lignes de Corse en 2023 après celle du Mega Regina en 2021, il restera donc bien toujours à la fois un Regina et un Victoria sur les lignes de Corse de la compagnie aux bateaux jaunes ! De surcroît, si ces nouveaux navires de la Corsica Ferries ne sont pas des jumeaux comme pouvaient l'être les anciens Corsica Victoria et Sardinia Regina, ils sont néanmoins dérivés l'un de l'autre, le Mega Victoria
étant le plus récent des deux. Par ailleurs, ils
partageront avec leurs aînés le fait d'avoir
été construits pour une compagnie suédoise, en
l'occurrence Viking Line pour la nouvelle paire de navires (Gotlandsbolaget pour l'ancienne).
[2] Lancée à l’initiative du Ministère de la transition écologique, avec le soutien d’Armateurs de France,
la charte SAILS (pour Sustainable Actions for Innovative and
Low-impact Shipping)
vise à permettre aux compagnies "de poursuivre et formaliser
leurs engagements pionniers
visant à protéger notre planète et ses habitants".
Concrètement, les compagnies signataires s'engagent, "de
manière volontaire et au-delà de leurs
obligations réglementaires", à mettre en place des
actions spécifiques dans tout
ou partie des domaines suivants :
protection des cétacés, réduction de
l’impact sonore sous-marin des navires, diminution des
émissions de polluants atmosphériques et de
gaz à effet de serre, renforcement des liens avec le secteur
scientifique, lutte contre les espèces invasives, optimisation
de la performance énergétique des navires ou encore
sensibilisation des passagers et meilleure définition des
routes maritimes (actions spécifiques pour les compagnies de
croisières et de
ferries). Pour la Corsica Ferries,
cela passe notamment par la participation à des études
transverses aux ports de Nice, Toulon et Marseille pour aboutir à une
solution optimale concernant le raccordement à quai des ferries
et à un renforcement des actions avec le monde de la recherche en
matière de préservation des cétacés.
[3] En juillet 2018, par décision de l'Assemblée de Corse, la Collectivité de Corse a finalement renoncé à reprendre à son compte les deux navires mixtes les plus anciens (Monte d'Oro et Paglia Orba) de Corsica Linea pour constituer le noyau de sa future compagnie maritime régionale. À
compter de l'été 2019, ces deux navires devaient en
théorie être cédés pour 10 millions d'euros
à cette compagnie, mais la création de cette compagnie a
finalement été
repoussée, dans un premier temps à 2021, puis
désormais au plus tôt à l'horizon 2030 (à
l'issue de la nouvelle DSP
2023-2029), à la suite d'un
précédent échec de
l'attribution des contrats de service public des sociétés
d'économie mixte qui aurait dû courir sur
la période 2021-2027. En effet, les offres des compagnies privées jusqu'ici délégataires du service public Marseille-Corse (Corsica Linea et La Méridionale) avaient alors été jugées trop coûteuses par la Collectivité de Corse, dépassant de plus d'un tiers le budget prévisionnel établi par la CdC sur la base du coût des DSP précédentes pour un service identique...
[4] D'après le journal Le Marin, la brouille entre les deux compagnies aurait trouvé son origine dans la volonté de la Corsica Linea d'absorber La Méridionale. Elle le lui avait proposé début 2018 mais se serait heurtée au
refus de l'actionnaire majoritaire de cette dernière - le groupe
frigorifique STEF - de céder ses parts de la compagnie aux bateaux bleus... Depuis la Corsica Linea a renforcé son offre sur Marseille-Corse au
détriment de sa partenaire.
[5] Selon la presse italienne, il est possible que le groupe MSC soit tenté de s'impliquer encore davantage à l'avenir au sein de la stratégie du groupe Moby-Tirrenia, au point de racheter à la banque chinoise ICBC ses deux nouveaux navires amiraux, les Moby Fantasy et Moby Legacy, pour les louer lui-même à la Moby, mais rien ne serait encore décidé à ce stade.
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